26 juin 2025
Fernand Maillard, réviseur d’entreprises
Poursuivons notre chronique concernant la conservation des archives, parue le 26 février 2025.
Revenons tout d’abord sur la question des liquidations des personnes morales (sociétés ou associations) soumises au CSA (Code des Sociétés et des Associations).
Il ne faut pas confondre le délai de conservation des archives [soit celui prévu dans le CDE (Code de droit économique) (7 ans) ou le droit fiscal (en général 10 ans), dont il a été question dans la chronique précédente) et le délai de prescription prévu par le CSA en matière d’actions relatives à la liquidation. Le CSA stipule ceci en son article 2:143 :
« § 1er En ce qui concerne les sociétés, sont prescrites par cinq ans :
…/… ;
§ 2. En ce qui concerne les associations et les fondations, sont prescrites par cinq ans :
§ 3. L'action en réouverture de la liquidation se prescrit après l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la publication de la clôture de la liquidation. Elle ne peut plus être introduite après l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour de la découverte de l'actif oublié. »
Donc, même si le délai de prescription des actions est de 5 ans, le délai de conservation des archives reste bien de 7 et 10 ans suivant le CSA ou le droit fiscal. Au bout du délai de prescription, il n’est donc pas question de détruire les archives de la personne morale, ces archives pouvant servir à des consultations non liées à une action contre des gestionnaires ou des administrateurs.
Dans le CDE ainsi que dans le droit fiscal, il est prévu que les pièces comptables doivent être conservées en original ou en copie.
En matière de copie, le code civil nous dit en son livre 8 :
CODE CIVIL - LIVRE 8 - LA PREUVE
« Art. 8.25. Statut juridique des copies
La copie réalisée au moyen d’un service d’archivage électronique qualifié conforme au livre XII, titre 2, du Code de droit économique a la même force probante que l’écrit sous signature privée, dont elle est présumée, sauf preuve contraire, être une copie fidèle et durable. La présentation de l’original n’est pas exigée.
La copie certifiée réalisée conformément à l’article 1er, alinéa 4, de la loi du 16 mars 1803 contenant organisation du notariat ou conformément à l’article 126 de la nouvelle loi communale a la même force probante que l’écrit dont elle est présumée, jusqu’à inscription de faux, être une copie fidèle et durable. La présentation de l’original n’est pas exigée.
Hormis les cas où la loi en dispose autrement, dans tous les autres cas, la copie constitue une présomption de fait ou, le cas échéant, un commencement de preuve par écrit lorsque les conditions imposées par l’article 8.1, 7° sont réunies. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. »
Et voici un extrait de l’article 8.11 du code civil :
« Preuve par et contre les entreprises
[…]
§ 2. La comptabilité d'une entreprise n'a de force probante contre une autre entreprise que si les mentions de la comptabilité des deux parties sont concordantes. Dans tous les autres cas, le juge apprécie librement la valeur probante de la comptabilité.
La comptabilité d'une entreprise n'a pas de force probante contre des personnes qui ne sont pas des entreprises.
La comptabilité d'une entreprise peut être invoquée contre cette entreprise. Cette comptabilité ne peut être divisée contre l'entreprise, sauf si elle n'est pas tenue régulièrement.
§ 3. Le juge peut, sur demande ou d'office, au cours d'un procès ordonner la production de tout ou partie de la comptabilité d'une entreprise concernant le litige à examiner. Le juge peut en outre imposer des mesures afin de garantir la confidentialité des pièces concernées. »
Par conséquent, il ressort de ce qui précède que la loi (CDE ou droit fiscal) n’impose pas de garder une version originale (papier) des pièces justificatives. Il convient néanmoins de souligner que, comme explicité ci-avant, les pièces justificatives conservées en copie doivent être inaltérables et accessibles.
Dans son avis CNC 2016/22 (Conservation des livres et pièces justificatives en cas de tenue de comptabilité informatisée), la Commission des Normes Comptables précise ceci :
« Il faut s’assurer que la solution informatisée permette d’effectuer un archivage spécifique qui garantisse la pérennité d’accès aux données comptables archivées, leur lisibilité, leur caractère original, voire leur restauration par des versions ultérieures de solution informatisée utilisée en vue de pouvoir produire des états comptables demandés à l’occasion d’un contrôle ».
La précision indiquant que la solution informatisée doit assurer « leur caractère original », implique qu’il appartient de conserver les fichiers électroniques et autres PDF ou documents reçus électroniquement, dans le support électronique originel reçu (mail – courriel par exemple, ou tout support électronique) dans sa forme originelle.
L’ICCI va dans le même sens dans son avis du 16 novembre 2022 relatif aux « conservations des livres et pièces justificatives ».
Il faudrait que la CNC se positionne quant au mode de conservation des documents bancaires : la conservation des fichiers CODA suffit-il ou faut-il conserver les extraits de compte téléchargés au départ des programmes informations des banques ? Et qu’en sera-t-il des factures électroniques (achat et vente) générées par les logiciels de facturation électronique, tel que ce sera obligatoire à partir du 1er janvier 2026 : quels sont les fichiers à conserver par les entreprises dans ce cas ?