10 octobre 2025
Clément De Bruyn, Junior advisor réglementation IRE
La directive européenne 2025/794 dite Stop the clock a été adoptée en avril 2025 par les Institutions européennes afin de reporter l’entrée en vigueur des obligations découlant de la CSRD. L’Institut avait, à cette occasion, publié un communiqué de presse et une factsheet mettant en avant les conséquences concrètes pour les entreprises concernées par la CSRD.
Rappelons simplement, que la proposition de directive retardant le reporting en matière de durabilité prévoit d’étendre de deux ans le délai dans lequel les entreprises tombant sous le champ d’application de la proposition de réforme devront publier leur rapport de durabilité. Il est cependant important de noter que la directive Stop the clock n’a eu aucun impact sur les entreprises devant publier un rapport de durabilité en 2025 pour l’exercice financier 2024.
Les Institutions européennes ont justifié le report par la volonté de sauvegarder la compétitivité des entreprises européennes et du marché unique en y attirant des nouveaux investisseurs. Le report est également justifié sur la base de la simplification administrative – objectif ô combien à la mode ces derniers mois. Par ailleurs, selon la Commission européenne, les entreprises ne sont pas encore prêtes pour la mise en œuvre du dytique CSRD-CS3D. Ces objectifs – bien que louables – ne doivent pas masquer ceux poursuivis par les textes qui sont appelés à être modifiés, à savoir la mise en œuvre du Green Deal et la mise en place de conditions nécessaires pour une économie résiliente. Apparait donc en filigrane la tension inhérente entre ces différents objectifs : il ne faut pas en sacrifier les uns au profit des autres et inversement. La Commission répond à cette tension en indiquant que la recherche de compétitivité doit permettre de lever des fonds qui financeront la transition écologique et permettront d’atteindre les objectifs visés par le Green Deal.
À l’instar des autres États membres, la Belgique est tenue de transposer cette directive dans son droit national, et ce pour le 31 décembre 2025. Les autorités belges ont ainsi entamé le processus législatif en vue d’intégrer les dispositions de la directive Stop the clock dans la législation en vigueur. Il est important de souligner que le projet de loi de transposition déposée par le gouvernement fédéral constitue une copie conforme du texte européen d’origine pour ce qui concerne le report de l’entrée en vigueur de la CSRD. Cette fidélité à la directive vise à garantir une harmonisation maximale et à limiter toute divergence d’interprétation ou d’application. Le tableau ci-dessous synthétise les changements induits par la directive Stop the clock et a fortiori par le projet de loi :
Vague | Loi CSRD du 2 décembre 2024 | Directive Stop the clock (2025) | Projet de loi modifiant la loi CSRD |
1ère vague | Les grandes EIP, ainsi que les entreprises mères qui sont des grandes entités d’intérêt public, comptant plus de 500 salariés ont dû pour la première fois en 2025, publier des informations relatives à l’exercice 2024 conformément à la CSRD. | N/A | > Idem (à partir des exercices sociaux commençant le 1er janvier 2024 ou à une date ultérieure en 2024). |
2ème vague | Les autres grandes entreprises (les grandes entreprises qui ne sont pas des EIP et qui comptent plus de 500 salariés et les grandes entreprises comptant moins de 500 salariés) auraient dû publier, en 2026, des informations relatives à l’exercice 2025. | La directive Stop the clock détermine que les Etats membres reportent via leur législation nationale de deux ans l’entrée en application des obligations de publication d’informations auxquelles seront soumises les entreprises de la deuxième vague. | > Exercice commençant le 1er janvier 2027 ou ultérieurement (publication 2028). |
3ème vague | Les PME cotées, les établissements de crédit de petite taille et non complexes et les entreprises captives d’assurance et de réassurance auraient dû publier, en 2027, des informations relatives à l’exercice 2026. | La directive Stop the clock détermine que les Etats membres reportent via leur législation nationale de deux ans l’entrée en application des obligations de publication d’informations auxquelles seront soumises les entreprises de la troisième vague. | > Exercice commençant le 1er janvier 2028 ou ultérieurement en 2028 (publication 2029). |
4ème vague | Certaines entreprises de pays tiers qui exercent des activités sur le territoire de l’Union européenne au-delà de certains seuils devraient publier, en 2029, des informations relatives à l’exercice 2028. | Pas de report prévu par la directive Stop the clock. | > Idem (à partir des exercices sociaux commençant au 1er janvier 2028 ou ultérieur). |
Le report des deuxième et troisième vagues vise à éviter que certaines entreprises soient tenues de publier des informations relatives aux exercices 2025 (deuxième vague) ou 2026 (troisième vague) et qu’elles soient ensuite dispensées de cette obligation. Cette situation entraînerait des coûts.
Le projet de loi a été examiné en première lecture le 8 octobre 2025 au sein de la Commission des Affaires économiques de la Chambre des Représentants. Les consultations menées auprès des parties prenantes, dont les réviseurs d’entreprises et les représentants du secteur financier, se poursuivent parallèlement afin de recueillir les avis et d’anticiper la mise en œuvre pratique du futur dispositif.
Le texte en discussion précise les conditions d’application de la suspension des délais de reporting de durabilité prévus par la CSRD via la modification de l’article 116 de la loi du 2 décembre 2024. Le projet de loi ne vise pas à transposer l’article 2 de la directive Stop the clock relatif au report de l’entrée en vigueur de la CS3D car cette dernière n’est pas encore transposée en droit belge. L’enjeu d’une adoption rapide du projet de loi et donc d’une transposition est essentiel pour assurer la sécurité juridique et la continuité des activités économiques dans la période d’incertitude économique que le monde traverse.
Mise à part la date butoir du 31 décembre 2025, le calendrier précis de l’adoption définitive de la loi reste à confirmer, mais la tenue de la Commission des Affaires économiques le 8 octobre 2025 constitue une étape clef. Les acteurs du secteur attendent la publication des textes finaux qui n’ont pas fait l’objet d’amendements de la part des parlementaires.
En ce qui concerne le projet de directive Omnibus visant à modifier le contenu de la CSRD et le reporting de durabilité, des discussions sont encore en cours au sein des Institutions européennes. Ces discussions portent également sur la modification du champ d’application de la CS3D et des obligations prévues par cette directive.
Quoi qu’il advienne du projet de loi de transposition, il faudra encore du temps avant que le législateur européen adopte ses réformes relatives au contenu du reporting de durabilité et que le législateur belge les implémente dans l’ordre juridique national. Ce temps pourra être mis à profit pour les entreprises pour s’y préparer avec les réviseurs d’entreprises qui seront soutenus par l’IRE.
L’Institut des réviseurs d’entreprises suit l’évolution de près et ne manquera pas d’informer ses membres en cas d’avancée significative concernant la transposition de la directive Stop the clock en droit belge. Il en va de même à propos du projet de directive Omnibus.