15 juin 2023

Steven De Blauwe, Conseiller Affaires juridiques IRE

 

Introduction

Dans un récent arrêt, la Cour d'appel d'Anvers s'est prononcée pour la première fois sur les conséquences fiscales d’une « comfort letter » (souvent traduite en français sous les termes « lettre de confort », « lettre d’intention » ou parfois « déclaration de patronage ») (Anvers 7 février 2023, 2021/AR/1154). 

Les frais liés à l'exécution d'une garantie par une lettre de confort sont déductibles fiscalement en tant que frais professionnels conformément à l'article 49 CIR 1992.

Cas pratique

En résumé, l'affaire concerne une société mère belge qui distribue des produits pharmaceutiques sur le marché africain par l'intermédiaire de filiales. La société mère a rédigé une lettre de confort au profit de sa filiale suisse stipulant que, si nécessaire, elle interviendrait financièrement et prendrait en charge une créance de la filiale suisse sur la filiale nigériane. L'année suivante, la filiale suisse demande et obtient l'exécution de cette lettre de confort, de sorte que la société mère belge reprend la créance sur la filiale nigériane et en prend le montant en charge immédiatement.

Les dépenses engagées par la société mère belge l'ont été en vue de maintenir les enregistrements pour le compte des filiales. Le contribuable doit prendre en charge la dette contractée par sa filiale au Nigeria vis-à-vis de sa filiale en Suisse. La prise en charge des frais a un effet indirect sur la création ou le maintien de revenus. Sans cette prise en charge, toute facturation ultérieure aux filiales est exclue.

L'administration fiscale n'accepte pas cette situation et ajoute le montant pris en charge par la société mère aux dépenses non admises.

Synopsis du jugement

La Cour d'appel d'Anvers a jugé que les frais liés à l'exécution d'une garantie – par le biais d’une lettre de confort – sont déductibles fiscalement en tant que frais professionnels en vertu de l'article 49 CIR 1992, étant donné qu'il a été démontré que ces frais sont également dans l'intérêt de la société elle-même.

Dans l'arrêt en question, la Cour part du principe qu'une lettre de confort est une promesse unilatérale contraignante qui entraîne une obligation ou une responsabilité dans le chef du contribuable[1].

Avec Monsieur Van Crombrugge[2], nous notons ici que les lettres de confort peuvent être beaucoup plus variées dans la pratique et qu'elles ne sont généralement pas contraignantes sur le plan juridique.

Point de vue de l’IRE en matière de lettres de confort

Le Conseil de l'IRE, sur proposition de la Commission juridique de l'IRE, a également estimé, dès janvier 2012, dans sa Circulaire 2012/01, qu'une lettre de confort n'est valable pour évaluer la continuité d'une entreprise que si elle constitue une obligation de nature contraignante et exécutoire dans le chef de la personne ou des personnes qui ont émis cette lettre de confort.

Selon le Conseil de l'IRE, le commissaire doit examiner la validité de la lettre de confort, c'est-à-dire si elle revêt un caractère contraignant et exécutoire et si le signataire de la lettre est en mesure de lier la ou les personnes qui prennent les engagements qu'elle contient. Il doit également examiner la solvabilité de la personne ou des personnes qui ont émis cette lettre de confort.

S'il s'agit d'une lettre de confort dont l'existence n'a pas été mentionnée par l'organe d’administration dans son rapport annuel ou dans l'annexe aux comptes annuels, le commissaire ne peut en aucun cas y faire référence dans un paragraphe explicatif. Le cas échéant, il émettra également une réserve sur l'omission dans l'annexe aux comptes annuels ou dans le rapport annuel d'un droit hors bilan[3], si la lettre de confort est contraignante.

Exemple de lettre de confort sur le site de l’ICCI

L’ICCI a inclus un modèle de lettre de confort en français, en néerlandais et en anglais sur son site web.

Cet exemple doit être considéré comme un document de base et doit donc être adapté pour répondre aux exigences spécifiques de l'obligation contractuelle à conclure.

Cet exemple ne peut être utilisé dans le cadre d'une procédure civile, pénale ou disciplinaire.

Pour la bonne cause, il convient de noter que cet exemple ne peut donc en aucun cas être considéré comme un modèle formel émanant de l’IRE.

 


[1] « La déclaration de patronage résulte d'une promesse unilatérale contraignante. La personne qui fait la déclaration est liée sans qu'aucune acceptation du créancier ne soit requise. Une telle déclaration entraîne donc une obligation/responsabilité dans le chef du défendeur au pourvoi. »

[3] Pour le traitement comptable d'un droit hors bilan, vous pouvez vous référer à Avis CNC 2017/07 – Droits et engagements hors bilan,15 mars 2017.