3 décembre 2025

Xavier Doyen, réviseur d'entreprises et maître de conférence invité à la Louvain School of Management (UCL)

 

Le 3 octobre 2025, le SPF Finances a publié la Circulaire 2025/C/63 (la « Circulaire ») relative à la condition de participation minimale applicable au régime des revenus définitivement taxés (RDT).

La Circulaire commente la modification apportée par la loi-programme du 18 juillet 2025 à la condition de participation minimale dans le régime des RDT ainsi qu’en matière d’exemption de précompte mobilier sur certains dividendes. Elle commente, par ailleurs, l’incidence directe de cette modification en matière de RDT sur le régime d’exonération des plus-values sur actions ou parts.

Pour rappel, le régime actuel des RDT repose sur la condition qu’à la date d’attribution ou de mise en paiement des dividendes, la société bénéficiaire détienne dans le capital de la société distributrice une participation de 10 % au moins ou dont la valeur d'investissement atteint au moins 2.500.000 euros. La loi-programme du 18 juillet 2025 renforce, à partir de l’exercice d’imposition 2026, la condition alternative (c’est-à-dire lorsqu’une société détient une participation inférieure à 10 %) en stipulant que lorsque la valeur d’investissement minimale doit être d’au moins 2.500.000 euros, la participation doit avoir la nature d’immobilisations financières pour pouvoir bénéficier de la déduction RDT, si le bénéficiaire n’est pas une petite société.

Pour la notion d’immobilisations financières, la Circulaire renvoie aux dispositions de l’Arrêté royal du
29 avril 2019 portant exécution du Code des sociétés et des associations, qui reprend le contenu des 3 catégories, à savoir les entreprises liées, les entreprises avec lien de participation et les autres immobilisations financières.

La Circulaire commente plus spécialement la catégorie des autres immobilisations financières car c’est sous cette rubrique que seront comptabilisées généralement les actions ou parts d’une valeur minimale de 2.500.000 euros qui ne respectent pas la condition de participation minimale de 10%.

L’article 3:89 de l’Arrêté royal du 29 avril 2019 indique que, sous les poste « Actions et parts » des autres immobilisations financières, sont classés les droits sociaux détenus dans d'autres entreprises qui ne sont pas constitutifs d'une participation lorsque cette détention vise, par l'établissement d'un lien durable et spécifique avec ces entreprises, à contribuer à l'activité propre de la société.

A juste titre, la Circulaire confirme d’abord que le lien durable et spécifique doit contribuer à l’activité propre de la société actionnaire.

En ce qui concerne l’appréciation du lien durable et spécifique, la Circulaire s’appuie sur l’Exposé des motifs de la loi-programme qui souligne l’importance que « la participation soit destinée à soutenir durablement l’activité de l’entreprise, et donc que la participation n’est pas détenue uniquement à des fins d’investissement. La question de savoir si c’est le cas dépend des aspects factuels de la situation en question, compte tenu de la nature des relations entre les entreprises concernées ».

Néanmoins, la Circulaire en déduit une interprétation plus restrictive puisque selon l’Administration, « la définition souligne en premier lieu la nécessité que les titres soient détenus de manière durable, c'est-à-dire qu'ils n'aient pas été acquis dans le but d'être réalisés à court terme et qu'il ne puisse donc pas s'agir d'un objectif d'investissement. Par objectif d'investissement, on entend ici la simple réalisation de plus-values ou de dividendes » (nous soulignons).

A notre avis, le classement d’un actif financier dans la rubrique des immobilisations financières répond a minima à un objectif d’investissement qui ne peut être limité, par principe, au seul but de réaliser des plus-values ou de percevoir des dividendes.

En ce qui concerne le lien spécifique, la Circulaire indique que cela suppose une relation d’affaires stratégique entre la société actionnaire et la société dont les actions ou parts sont détenues. Elle donne quelques exemples :

  • acquisition initiale d’une participation modeste dans la perspective de renforcer ultérieurement cette participation, en vue d’une opération de fusion, d’acquisition ou plus largement dans le cadre d’une stratégie de groupe ;
  • détention d’actions ou parts dans une société présentant une complémentarité d’activités, permettant à la société actionnaire de faciliter ou d’accroître les biens ou services qu’elle rend à ses clients ;
  • détention d’actions ou parts dans une société présentant un intérêt technologique, favorisant le développement des activités de la société actionnaire.

Par ailleurs, la Circulaire émet quelques commentaires sur les immobilisations financières dans le chef des établissements de crédit, des entreprises d’assurance et des sociétés de bourse.

La Circulaire invite à se référer aux avis de la Commission des normes comptables pour l’appréciation du lien durable et spécifique.

A ce jour, la Commission n’a pas émis d’avis consacré à ce sujet précis. Il nous apparaît important que la Commission s’y attelle rapidement. La nomination des membres de la Commission est intervenue dernièrement et on peut espérer que cette nouvelle commission aura à cœur de préciser ces éléments.

Comme pistes de réflexion pour cette analyse, il faut à notre avis tenir compte notamment des éléments suivants :

  • Le classement de valeurs mobilières dans le poste « Autres placements » de la rubrique des placements de trésorerie[1] est un « classement de deuxième niveau » en ce sens qu’il doit s’agir de valeurs acquises au titre de placement de fonds et qui ne revêtent pas le caractère d'immobilisations financières, en vue de les vendre à court ou à moyen terme. En d’autres termes, dès lors que des actions ou parts ne sont pas destinées à être vendues à court ou à moyen terme, la société doit examiner en première analyse si ces actions ou parts doivent être classées ou non  dans la rubrique des immobilisations financières.
  • La notion de participation a un sens bien précis dans le droit comptable et le droit des sociétés[2] . Elle vise, par l'établissement d'un lien durable et spécifique avec la société détenue, à permettre à la société d'exercer une influence sur l'orientation de la gestion de cette société détenue. Cette relation est donc différente de celle attendue pour le classement d’actions et parts dans d’autres immobilisations financières.
  • Il serait utile que des indications soient données sur les conditions et modalités de transfert des participations, actions ou parts détenues entre les rubriques des immobilisations financières des placements de trésorerie.

Nous recommandons aux organes d’administration de valider et de justifier régulièrement le classement retenu pour assurer un traitement correct du droit comptable et de l’application du régime des RDT dans ses comptes annuels.

Pour être complet, nous renvoyons également à l’avis rendu par l’ICCI en date du 21 mars 2023 sur la notion de lien durable et spécifique pour les autres immobilisations financières.

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[1] Voir Arrêté royal du 29 avril 2019, art 3:89

[2] Voir Arrêté royal du 29 avril 2019, art 3:89 qui renvoie à l’article 1:22 du Code des sociétés et des associations