12 septembre 2023

Steven De Blauwe, Conseiller affaires juridiques de l'IRE

 

A l’occasion du débat organisé durant la Journée du révisorat de l’année dernière qui s’est tenue le 22 septembre 2022, Monsieur Paul Dhaeyer, Président du Tribunal de l’entreprise francophone de Bruxelles a fait valoir qu’un grand nombre de sociétés, ainsi que d’associations et de fondations (ci-après « entités ») confrontées à des problèmes de continuité n’ont pas nommé de commissaire et n'ont donc pas fait contrôler leurs comptes annuels par un auditeur indépendant. Or, le risque de faillite d'une entité est plus grand si celle-ci n'a pas nommé de commissaire, car dans ce cas, personne n'est chargé d’effectuer un contrôle externe et indépendant des comptes annuels de l’entité.

Tout d'abord, il est important de souligner que le respect des exigences légales concernant la nomination d'un commissaire relève de la responsabilité de l’organe d’administration de l'entité. Ainsi, l'article 3:97, § 1er CSA prévoit une sanction pénale à l’encontre des membres de l’organe d’administration, des directeurs et des mandataires de la société qui aurait négligé d’avoir désigné un commissaire alors qu’elle y est légalement tenue (l’art. 3.97 CSA ne s’applique qu’aux sociétés). En Belgique – sur la base des statistiques de l'IRE – 467 entités n’auraient pas nommé de commissaire pour le contrôle de leurs comptes annuels relatifs à l’exercice 2021, bien qu'elles y soient légalement obligées.

M. Dhaeyer a poursuivi en soulignant que les entités en défaut de nommer un commissaire s’exposent à un risque accru de responsabilité dans trois domaines différents :

  1. En cas de faillite, en vertu de l’article XX.225 du Code de droit économique, les administrateurs de ces entités peuvent être déclarés personnellement responsables, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif.
  2. Si les administrateurs sont accusés pénalement de détournement d'actifs de l'entité, ils doivent prouver devant le procureur général que la valeur des actifs tels qu’elle figure dans le bilan est effectivement correcte. Si les comptes annuels de l'entité n'ont pas été vérifiés par un commissaire, bien que cela soit exigé par la loi, ces administrateurs ont logiquement une charge de preuve accrue.
  3. Pour des raisons fiscales, et évidemment pour l’Inspection Spéciale des Impôts (ISI), la comptabilité de l'entité doit toujours être pertinente et équilibrée. Par conséquent, si les comptes annuels de l'entité n'ont pas été vérifiés par un commissaire, alors que la loi l’exige, les administrateurs de cette entité courent un risque pénal et fiscal accru.

Dans ce contexte, l’IRE et l’ITAA ont donc publié une communication commune le 24 juin 2021 développant, entre autres, le principe réciproque suivant : 

  • L'expert-comptable certifié ou le réviseur d’entreprises s'abstient  d'accepter ou de poursuivre toute mission visant à attester ou à approuver des comptes, des comptes  annuels, des bilans et des comptes de résultats ou des comptes consolidés établis par toute entité  refusant de désigner un commissaire alors qu'elle y est légalement tenue.
  • Compte tenu du risque de complicité en droit pénal au délit mentionné à l'article 3:97, § 2 CSA, l’expert-comptable certifié ou le réviseur d'entreprises s'abstient d'accepter ou de poursuivre une mission pour une entité s'il apparaît que cette entité ne souhaite pas se mettre en règle en désignant un  commissaire.

Ce principe réciproque ne s'applique pas seulement dans le cadre des missions communes.

Les lecteurs intéressés peuvent trouver ici un article intéressant publié dans les Chroniques de l'IRE le 13 octobre 2021, qui analyse la communication du 24 juin 2021 plus en détail.

Par conséquent, les administrateurs des entités en défaut de nommer un commissaire ont tout intérêt à procéder à la nomination d’un commissaire dès que possible. La nomination d'un commissaire, outre qu'elle constitue une mesure de réduction des risques, est le signal par excellence donné aux investisseurs et à toutes les autres parties prenantes que les comptes annuels et l’information financière sont fiables et de grande qualité.

Enfin, M. Dhaeyer a lancé un appel à l'IRE – ainsi qu'à la Banque Nationale de Belgique (BNB), qui peut vérifier si une entité a effectivement déposé un rapport du commissaire avec ses comptes annuels – pour aider le tribunal de l’entreprise à traquer les entités en défaut de nommer un commissaire.

L’IRE s’est déclaré disposé à organiser une réunion avec la BNB et toutes les autres parties prenantes pour apporter son aide aux tribunaux d’entreprises afin d’identifier les entités qui sont en défaut de nommer un commissaire et de les inciter à procéder à cette nomination. Ce faisant, l’IRE contribue à renforcer la qualité du tissu économique belge.