20 novembre 2025

Harry Everaerts, réviseur d'entreprises, membre de la Commission ESG à l'IRE

 

L’enquête 2025 de Reuters sur la stratégie et la mise en œuvre de la durabilité saisit un moment charnière pour la durabilité des entreprises. Les résultats, recueillis au troisième trimestre 2025 dans un large éventail de secteurs, montrent un constat clair : malgré des vents contraires politiques, une incertitude économique et une complexité réglementaire croissante, les organisations ne se retirent pas de la durabilité. Au contraire, elles revoient leur approche, se professionnalisent et approfondissent leurs efforts en matière de durabilité. 

1. Leadership : la durabilité devient de plus en plus stratégique 

L’enquête révèle que la durabilité continue de gagner en importance dans l’agenda des dirigeants. Trois quarts des membres de l’équipe de direction au plus haut niveau considèrent désormais la durabilité comme « très importante », soit une hausse de six points par rapport à il y a seulement six mois, en contradiction avec les récits médiatiques évoquant un retrait généralisé des engagements ESG. 

Les dirigeants citent principalement les risques émergents liés à la durabilité, tels que les impacts climatiques et les perturbations des chaînes d’approvisionnement, comme raison majeure pour laquelle la durabilité reste une priorité. Les attentes des clients, les évolutions réglementaires et les risques de réputation suivent de près. La technologie — en particulier l’IA — apparaît comme un moteur clé, à la fois accélérateur des initiatives de durabilité et source de nouveaux risques. 

2. Modèles d’investissement : croissance ciblée et stable malgré les pressions 

Malgré les contraintes opérationnelles et budgétaires, 42 % des organisations ont maintenu leurs budgets, tandis que les augmentations dépassent largement les diminutions dans toutes les catégories. La croissance est la plus visible dans : 

  1. l’innovation et la R&D pour des produits et services durables, 
  2. les partenariats et collaborations, 
  3. la formation et l’éducation interne des employés,
  4. les systèmes de données et de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement. 

Ces tendances soulignent un changement stratégique clair : les organisations privilégient le développement des compétences, l’infrastructure des données et l’intégration dans la chaîne de valeur plutôt que des campagnes marketing ou du branding. 

3. Priorités stratégiques : la décarbonation domine, la formation interne s’accélère 

Près de la moitié des organisations citent l’énergie et la décarbonation comme priorité absolue. Deux stratégies se distinguent :  

  1. améliorer l’efficacité opérationnelle, 
  2. investir dans les énergies renouvelables. 

L’engagement des fournisseurs dans la décarbonation gagne rapidement en importance, signe d’une compréhension plus mature des exigences liées au Scope 3. 

Concernant les objectifs à long terme, 64 % des organisations restent fermement engagées envers la neutralité carbone selon le calendrier initial. Seule une minorité a abandonné ou modifié cet objectif, souvent sans alternative claire. 

La préparation des équipes apparaît comme un facteur clé. Informer les employés sur la stratégie de durabilité est la priorité principale, marquant le passage d’un modèle centré sur les spécialistes à une capacité organisationnelle généralisée. 

4. Déchets et économie circulaire : le recyclage reste dominant mais les approches se diversifient 

Les conclusions montrent que le recyclage des déchets issus des opérations demeure la stratégie la plus courante en matière d’économie circulaire. 

5. Droits humains, enjeux sociaux et DEI : stabilité malgré les pressions politiques 

La diversité, l’équité et l’inclusion (DEI) restent remarquablement robustes. Les objectifs DEI pour le personnel demeurent la principale stratégie sociale, sans tendance à la baisse. Plus de 54 % des organisations poursuivent leurs programmes DEI inchangés. Malgré les critiques externes, notamment aux États-Unis, les organisations continuent de considérer la DEI comme un atout stratégique. Les initiatives en matière de sécurité, de bien-être et d’engagement des employés restent des priorités complémentaires. 

6. Nature, biodiversité et eau : forte variation vs. priorités claires 

Les stratégies liées à la biodiversité sont beaucoup moins standardisées que celles concernant la décarbonation ou les déchets. Aucune approche unique ne domine. Les principales stratégies incluent : 

  1. l’approvisionnement responsable en matières premières,
  2. la surveillance des risques liés à la biodiversité,
  3. la collaboration avec les communautés locales/indigènes,
  4. des incitations financières pour des pratiques durables. 

Cette diversité montre que la gestion de la biodiversité reste émergente et dépendante du contexte. 

En revanche, la gestion de l’eau présente des priorités plus nettes : 

  1. traitement et recyclage de l’eau, 
  2. réduction de la consommation. 

Conclusion 

L’enquête dresse un tableau cohérent : les organisations ne se retirent pas de la durabilité ; elles deviennent plus pragmatiques, axées sur les données et ancrées dans l’opérationnel. Les investissements se stabilisent ou augmentent, la décarbonation reste centrale, et les entreprises préparent leurs équipes à un niveau supérieur de maturité en matière de durabilité. Même les domaines politiquement sensibles tels que la DEI et les engagements Net Zero montrent une persistance remarquable. 

En somme, 2025 marque une période de réflexion stratégique plutôt qu’un recul, avec un accent accru sur le développement des capacités, la gestion des risques et l’intégration durable dans la stratégie opérationnelle. 

Télécharger le document complet : Reuters IMPACT Global Sustainability Trends Report 

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